Le blog de Julien Arbez

Une rencontre incroyable : la crossope aquatique

Habituellement, l’été n’est pas ma saison préférée : il fait chaud, les animaux restent tranquilles et la plupart des naissances ont déjà eu lieu. Cette année, je vie un été formidable ! Pour cause, je photographie depuis bientôt un mois des animaux farouches et très difficiles à observer : les musaraignes aquatiques, ou crossopes aquatiques.

Grâce à un ami qui m’a dit avoir vu des musaraignes un soir près d’un lac jurassien, j’ai guetté et les ai rencontrées dans ce même ruisseau à l’occasion d’animations photos menées avec des enfants.

Depuis, j’y suis retourné une quinzaine de fois, j’y ai fait des affûts de 15 heures, y ai passé de grandes parties de nuits. Depuis la mi-juillet, je vis « musaraignes ».

Les premiers jours d’observations, je tentais de les voir, j’étais content quand j’en voyais passé une de rocher en rocher, ou nageant dans l’eau du ruisseau. De fil en aiguilles, j’ai appris à les reconnaitre, à savoir quelles heures de la journée leur convenait le mieux, quels passages elles aimaient emprunter et j’ai pris connaissance, assez laborieusement je dois dire, de quelques-unes de leurs habitudes.

Aujourd’hui j’attends avec impatience le prochain jour d’affût où j’aurai le ventre mouillé d’être à plat ventre dans les cailloux du ruisseau, ou les fesses talées par les pierres en pointes sur lesquelles je m’assieds.

Voilà quelques bribes de vies de ces animaux que l’on rencontre rarement, et dont les connaissances à leur sujet sont tellement rares que j’apprends plus à les observer qu’à lire dans les livres ou sur le net…

La crossope aquatique, c’est cette musaraigne « grand format » (environ 6 ou 7 cm de long, elle reste plus petite qu’une souris), dotée de dents pointues qu’elle utilise pour croquer les invertébrés qu’elle déniche dans les cours d’eau en plongeant ou en fouillant vase et cailloux de son long museau articulé. Elle est hyper rapide, toujours en mouvement, et pour vous présenter ces images j’ai sans doute déclenché plusieurs milliers de fois (merci le numérique). Son cœur bat à plus de 1000 battements par minute, et toutes les 8 ou 9 secondes environ, elle plonge pour partir en chasse, parfois attraper une proie, et remonter à la surface pour la croquer et l’avaler.

Elle plonge, remonte le courant, lutte contre lui, remonte comme un bouchon qui remonterait à la surface, bondit de pierres en pierres, escalade les rochers, s’en laisse tomber, passe dans des tunnels de pierres et de mousses pour ressortir un mètre ou deux plus loin. La musaraigne aquatique est une hyper active dotée d’une force incroyable : elle est capable de pousser de petites pierres avec sa tête, de se frayer un chemin sous la mousse des rochers, de pousser des branches plus grosses qu’elle… A côté d’elle, l’hermine, cette autre hyperactive, me semble bien tranquille !

Dans ce lieu magnifique que visitent libellules, rouge-gorge et mésanges, je vois à chaque sortie entre une et quatre musaraignes qui s’évitent toutefois, se crient parfois dessus, se bagarrent plus rarement. Malheureusement l’endroit et très sombre et les prises de vues techniquement difficiles quand les animaux sont en mouvement avec si peu de lumières. J’ai apporté des lampes d’appoint, testé plein de réglages et cherché des points de vue différents, le plus possible à leur hauteur pour détacher les animaux sur des fonds flous, chose que j’ai mis des jours à parvenir à faire.

J’espère que ces images rares de crossopes trouveront leur place dans un magazine de nature, pourquoi pas dans une exposition. Je suis fier de vous présenter cette espèce que peu de gens ont eu la chance de voir et photographier dans son environnement naturel, sans piégeage ni manipulation.

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Place aux images, et bon voyage au pays des crossopes !

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