Le blog de Julien Arbez
01/03/2016
Goupileries
Dehors tout est blanc. Il a plu la semaine dernière, mais il a neigé à nouveau hier. Cette nuit, les vagues du lac de Joux ont aspergé ses berges de mille gouttes, figées là sur une végétation désèchée.
C’est l’heure où le renard rentre au terrier, exténué sans doute par tant d’allées et venues au gré des prés et des lisières, à la recherche d’une partenaire. La saison du rut bat son plein et Goupil sait provoquer les rencontres. La nuit, loin des regards. On l’entend parfois crier sa conviction !
Les semaines ont passé et les aboiements se font rares. Les femelles en âge de se reproduire ont été fécondées, elles mettront bas d’ici deux petits mois les petits au fond du terrier. Pour l’heure, il est grand temps de retrouver des forces et de se remplir le ventre de campagnols tartares tout chauds...
Sur la neige, Goupil fait davantage confiance en son ouie qu’en sa vue iu son ororat. Oreilles pivotantes, tête chercheuse au moindre bruit suspect, il repère le moindre couinement d’une de ces souris des champs à plusieurs mètres de distance.
Puis c’est l’approche silencieuse. A pas feutrés, presque du bout des doigts. Le casse-croûte n’est pas loin, il le sait à quelques mètres, sous la couche de neige.
Puis soudain, STOP ! Le bassin s’abaisse, les pattes arrières fléchissent. Une hésitation, ce n’est pas le bon moment. Une seconde hésitation, toujours pas le bon moment. Puis soudain, hop ! D’un bond qui le propulse à la verticale, Goupil retombe les pattes en avant, la tête dans la neige, sur ce campagnol invisible qui, cette fois, réussira à se faire la malle...
Durant une heure, le renard sautera une quinzaine de fois sur des campagnols terrestres, de gros rongeurs souterrains qui, comme les taupes, font ces fameux monticules terreux que l’on voit surtout au printemps lorsque la neige a fondu.
Il en attrapera trois qu’il engloutira sans prévenir, croquant la pauvre bête qui, comble de la nature, finira peut-être en crotte sur l’une de ses propres taupinières !
Le renard participe à la régulation naturelle des populations de rongeurs. Il élimine à lui seul entre 7000 et 10000 campagnols en une seule année, ce qui fait de lui un allié certain des agriculteurs... Malgré ses bons et loyaux services, le renard reste inscrit sur la liste des espèces classées nuisibles... pour avoir osé, lui ou son frère, chipper une poule au poulailler.
Enlevons nos oeillères et considérons enfin le renard comme un colocataire qui paye sa part...
Et pour finir en musique, une petite vidéo faite de 360 images successives, au cours d’une heure d’observation du plus bondissant des polus...
La nuit venue, Goupil va son chemin, les nuages défilent devant la lune grosse et ronde. Les Monts Jura épousent le ciel que les feux de Genève embrasent. Ici le calme. Là-bas, la ville et son agitation, ses bruits et ses artifices.
Clair de lune, merveilleux clair de lune, donne-nous le calme et la simplicité ! La beauté ordinaire est patout, sachons l’observer !
Puis la nuit s’en va avec son cortège de mystère et de lumières. Dans les gorges du Flumen roucoulent les cascades qui bondissent de pierres et pierres, de strates en strates. La mousse est partout. Elle recouvre les rochers, les arbres, le chemin.
Goutte après goutte, flocon après flocon, saison après saison, le monde nous donne ce qu’il a de plus beau : la Vie sauvage.